19/02/2008
Climat : l'Europe dévoile son plan
En mars 2007, les dirigeants européens se sont engagés à réduire les émissions de gaz à effet de serre de l'UE de 20% d'ici 2020. La Commission a présenté son plan pour y parvenir, après des mois de négociations avec les Etats. En prenant la présidence de l'Union au 1er juillet 2008, la France aura une responsabilité dans l'application de ces mesures, qui doivent impérativement être adoptées avant la conférence mondiale de Copenhague sur le climat en 2009.
Pour parvenir à respecter son engagement de réduire ses émissions de GES, d'ici 2020, de 20% par rapport à 1990, l'UE a dévoilé son plan : renforcer le marché européen des crédits carbone, parvenir à 10% de biocarburants dans les transports et atteindre 20% d 'énergies renouvelables dans la part totale de la consommation d'énergie. Le président de la Commission a indiqué que le montant annuel pour mettre en œuvre ce plan serait limité à 0,5% du PIB européen, soit 60 milliards d'euros. " Ce qui correspond à environ 3 euros par semaine et par personne dans l'UE ", a ajouté le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso. La répartition des efforts de réduction est fixée en fonction de la prospérité de chaque pays, pour ne pas freiner le développement économique des nouveaux Etats membres, par ailleurs très dépendants des énergies fossiles. La Bulgarie et la Roumanie seront ainsi autorisées à augmenter de 20 % leurs émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2020, tandis que les plus riches devront les réduire de 15 % à 20 %. Ainsi, la France et l'Allemagne devront réduire leurs émissions de 14% d'ici 2020, le Danemark de 20%, la Belgique de 15% et la Suède de 17%. Les pays qui ont les plus faibles PIB pourraient ainsi accroître leurs émissions jusqu'à 20%, en prenant l'année 2005 comme référence. A l'inverse aucun pays ne sera contraint de diminuer de plus de 20% ses émissions par rapport à 2005.
Première mesure significative, l'UE va durcir le fonctionnement de son système d'échange de quotas d'émissions de GES afin de donner un prix significatif au carbone. La part des quotas alloués gratuitement (90% actuellement) doit progressivement diminuer pour qu'ils soient mis aux enchères à partir de 2013. Au moins deux tiers de l'ensemble des permis seraient ainsi concernés, tandis que de nouveaux secteurs d'activité (industries de l'aluminium, producteurs d'ammoniaque et secteur aérien), jusqu'ici exclus du marché, vont être soumis aux quotas de CO2. Le secteur de l'électricité, responsable de la plus grande partie des émissions de l'UE devra payer la totalité de ses quotas à compter de 2013. Le texte prévoit toutefois un assouplissement pour " les secteurs particulièrement vulnérables à la concurrence des producteurs établis dans des pays qui ne sont pas soumis à des contraintes carbone comparables ", précise la Commission. Les recettes générées par le marché carbone, estimées à 50 milliards d'euros par an en 2020, seront ensuite versées aux États membres pour des investissements dans les écotechnologies (énergies renouvelables, capture et stockage du carbone, R&D). Une part sera également affectée à l'adaptation des pays en développement au changement climatique.
Campagne contre les biocarburants
Autre pilier du " paquet énergétique " européen, l'objectif sur la part des énergies renouvelables dans la consommation totale d'énergie reste fixée en moyenne à 20% , alors qu'elle est seulement de 8,5% actuellement. Des efforts significatifs d'investissement sont exigés : la France devra ainsi passer de 10,3% en 2005 à 23% en 2020, l'Allemagne de 5,8% à 18%, la Suède de 39,8% à 49%, la Pologne de 7,2% à 15% et le Royaume-Uni de 1,3% à 15%. Troisième mesure contraignante : un objectif de 10% de biocarburants d'ici 2020 dans le secteur des transports, pourcentage identique cette fois pour tous États membres. Sur ce point, la Commission assure avoir retenu des " critères visant à garantir leur durabilité ", ce que contestent vivement les ONG. Les Amis de la Terre font campagne pour demander la suppression de cet objectif, " vu les problèmes écologiques et sociaux qu'il entraîne " et demandent que la priorité politique et économique soit " mise sur de grandes réformes structurelles de nos transports ". L'ONG s'appuie sur un rapport officiel de la Commission dont elle a eu connaissance, particulièrement critique sur l'efficacité des biocarburants à réduire les émissions de GES. Le rapport explique notamment que " l'utilisation d'engrais azotés a une incidence importante sur les émissions de gaz à effet de serre et que le changement de vocation des terres pouvait potentiellement relâcher suffisamment de gaz à effet de serre pour annihiler les gains des agrocarburants de l'UE ".
Alors que le texte européen est d'ores et déjà critiqué par les industriels, qui mettent en avant une " atteinte à leur compétitivité ", il fait l'objet d'un accueil mitigé parmi les ONG. Pour le WWF, " ce sont des avancées significatives. On peut toutefois regretter que plusieurs secteurs pour lesquels la concurrence internationale n'est objectivement pas un problème - comme l'aviation - aient réussi, après un intense lobby, soutenu par certains gouvernements, à éviter une mise aux enchères de tous leurs quotas. C'est un cadeau financier pour ces secteurs, et un manque à gagner pour le soutien de politiques climatiques en Europe et dans les pays en développement ", déplore l'ONG. Le Réseau Action Climat France (RAC) estime par ailleurs que l'objectif français est très en deça de ses engagements, qui ont fixé une réduction de 75% des émissions nationales d'ici 2050. Il " appelle donc la France à ne pas se contenter de l'objectif proposé par la Commission mais à exploiter le fort potentiel dont elle dispose pour atteindre une réduction d'au minimum 30% de ses émissions d'ici 2020 ".
La fédération France Nature Environnement partage de son côté les critiques des Amis de la Terre sur les biocarburants. " La seule valorisation efficace des agrocarburants est l'huile brute produite et utilisée à la ferme, indique Lionel Vilain, responsable du dossier agrocarburants à FNE. Pour le reste, nous regrettons que la Commission ne tienne pas compte des récents rapports qui remettent en cause le bilan environnement des agrocarburants ".
Reste désormais à la Commission une lourde tâche : négocier l'application de son plan par chaque Etat membre. Des compromis doivent être trouvés entre des intérêts divergents et contradictoires d'ici la fin 2008. En prenant la présidence de l'UE au second semestre, la France aura également un rôle important à jouer pour la crédibilité européenne en matière de climat, avant les négociations internationales de 2009 sur l'après-Kyoto.
Véronique Smée
Mis en ligne le : 24/01/2008 source : http://www.novethic.fr/novethic/site/article/index.jsp?id...
10:55 Publié dans Vie de l'Europe | Tags : environnement | Lien permanent | Commentaires (0)
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